Ecrit de recherche : la supervision / réflexion sur…
- 2 septembre 201712 août 2018
- par gwenaelsubrenat
Dans la pratique professionnelle, dans les stage, nous nous confrontons à la demande des personnes que nous accompagnons, à celle des institutions dans lesquels nous travaillons, ainsi qu’à nos propres exigences, valeurs, croyances, capacités, incompétences. Hors « qu’est-ce qu’être compétent demande Paul Lebbe-Berrier, sinon être capable en un tel moment de découvrir aussi ses propres zones d’incompétences et ses limites ? Qu’est-ce que se découvrir incompétent, sinon la chance de laisser émerger peu à peu en nous les germes d’une nouvelle compétence ? Dans les interstices compétence/incompétence se glisse souvent une insidieuse culpabilité, contre laquelle nous avons chacun nos mécanismes de défense » (Lebbe-Berrier, 2007, p.72). Ainsi en va t’il souvent des mouvements que connaissent les mises au travail de notre pratique, là où où quelque chose se déracine quelque peu sans pour autant que n’ait pu encore pousser ce qui vient à l’instant d’être planté. Il s’agit là de saisir autrement ce qui nous met mal à l’aise dans le travail engagé auprès des personnes que nous accompagnons afin de redevenir créatif. Le travailleur social, éducateur, thérapeute, psychologue est l’outil de travail que nous gagnons à remettre en jeu dans des groupes de réflexion. Cela afin de redonner une dynamique thérapeutique à la rencontre accompagnant/accompagné. Ce jeu, cet écart, est l’essentiel du travail qui apparait alors comme rendu possible par l’intermédiaire du groupe et du superviseur/intervenant. Ils font caisse de résonnance et, par eux, le son est renvoyé ailleurs. Ainsi est vécue une réouverture du champ des possibles, là où les doutes (qui ne sont pas des questionnements), les peurs, la culpabilité ferment la route et la contraignent à des répétitions ou autres enclavements.
Groupe de réflexion sur la pratique, supervision, groupe Balint, analyse des pratiques… Quelles différences ?
Autant de termes qui nous posent la question de leurs différences mais aussi et surtout celle de la nécessité d’un accompagnement spécifique visant à dégager le professionnel des entraves qu’il connait dans son travail thérapeutique. S’il faut bien dire que les différences entre les groupes précédemment cités sont parfois difficiles à faire ressortir d’un auteur à un autre, pour autant, plus que ce qui les sépare, c’est le champ de réflexion qu’ils nous ouvrent quant à la nécessité de remettre notre posture de professionnel qui nous intéressera ici.
Quelque soit le groupe de travail concerné, nous verrons qu’il s’agit de mûrir sa position humaine et professionnelle, d’apprendre. Hors, comme le reprend Paul Lebbe-Berrier : « Apprendre, c’est prendre par la pensée et beaucoup ne peuvent apprendre parce qu’ils sont pris par quelque chose qu’ils ignorent […]. Il faut se laisser prendre pour se déprendre, se laisser submerger puis émerger […]. Apprendre, c’est laisser s’impliquer son corps, dans le geste de comprendre, de “prendre-avec-soi”, comme on prend part à un partage avec un être vivant » (Lebbe-Berrier, 2007, p.61).
-
Les groupes Balint :
Michael Balint était médecin, psychanalyste et à l’origine des groupes qui portent son nom. Les groupes Balint concernent, à l’origine, des regroupements de médecins, infirmiers, et autres personnels soignants et visent à proposer des espaces de travail comme espace de remise en jeu de ce que chacun vivait dans la relation avec ses patients. En effet, pour Balint, psychanalyse et médecine sont liées et le soignant est le premier médicament administré au soigné. Les soignants ont à faire à un corps souffrant qui est inséparable d’un psychique en souffrance. On peut dire que l’objectif de ces groupes était alors de permettre de se décaler d’une relation qui ne favorise pas le soin et dans laquelle les soignants sont aux prises. Cela est rendu possible par une mise au travail du contre transfert du soignant. Celui-ci est entendu comme l’ensemble des réactions inconscientes du soignant à la personne soignée et plus particulièrement au transfert de ce dernier. C’est donc la mise au travail de la manière dont le soignant se trouve en résonnance dans la relation avec le soigné qui va permettre un décalage et une réouverture dans le travail engagé. De plus, l’intérêt et la force des groupes Balint résident en cela qu’ils sont non-hiérarchiques et transversaux. En effet, le succès de cette mise au travail dépend de la manière dont l’intervenant se situe vis-à-vis de celui qui expose ses difficultés au groupe. La position de l’intervenant est cruciale : « Si le leader peut accepter la critique, peut admettre que lui aussi a une fonction apostolique, c’est-à-dire a un contre-transfert et est prêt à apprendre quelque chose de son groupe, une réelle psychothérapie est démontée en acte dans la situation hic et nunc pour la plus grande libération de tous les participants » (Delion, 2007, p.50). Ce sont alors, plus généralement, les relations inter-groupales qui permettent un travail sur le transfert/contre-transfert de chacun afin que puisse être travaillé en profondeur la manière de chacun d’être avec. Cependant, il faut préciser que ce travail n’est pas une psychothérapie pour les praticiens, il est plutôt « un travail incarné sur la pratique et sur la clinique, sur l’écart entre le savoir médical, le sujet du soin et le sujet soignant » (Reznik, 2009, p.29-30).
-
La supervision :
Originellement, les groupes Balint s’adressaient à des soignants. La supervision, elle, a un spectre plus large. Autre différence notable, la supervision peut se faire en individuel.
La supervision tout comme le groupe Balint vise un meilleur service à l’usager et son objectif immédiat correspond à l’apprentissage et la maturation professionnelle. Par contre, si pour les groupes Balint, la mise au travail du contre transfert de l’accompagnant est le point phare du travail, la supervision, elle, quoi qu’ayant en commun cet intérêt particulier avec eux, « favorise (aussi) l’élaboration, la construction et la transposition de savoir-faire et de savoir être dans l’exercice professionnel. Elle permet de progresser dans la maîtrise de l’identité professionnelle, de vérifier l’adéquation entre l’action engagée et le cadre général des missions liées au contrat de travail du professionnel, de s’assurer de la pertinence des outils méthodologiques utilisés pour approfondir et coordonner ses propres connaissances, de se questionner sur son implication personnelle dans la relation à l’usager, d’évaluer les effets du travail engagé » (Rolland, 2007, p.21-22).
Le superviseur apparait comme un tiers médiateur entre le groupe et la personne qui énonce une difficulté qu’elle rencontre dans son travail et/ou entre la personne et l’usager avec qui elle travail sur le terrain. Dans tous les cas, il s’agit d’accompagner la personne à se faire son propre point de vue vis à vis de l’action engagée car en effet, « le projet du superviseur n’est pas la distribution de recettes mais le développement, chez celui qui le consulte, d’une pensée critique et d’une pratique créative » (Delourme, 2007, p.59). Les groupes de supervision visent alors à réassurer les professionnels dans leur pratique, à désinhiber leur manière d’agir ou d’être en retrait dans certaines situations qu’ils peuvent rencontrer, à dépasser certaines formes d’anxiété liées à l’exercice professionnel. Il s’agit de libérer des capacités et un pouvoir de créativité. Paul Lebbe-Berrier propose de « laisser vivre un espace tiers et une position Méta » (Lebbe-Berrier, 2007, p.80). Celui-ci ouvre les possibilités de dépasser les freins que nous imposent nos mythes et, ceci, en les prenant en compte. Ces mythes sont entendus comme « l’émergence de l’amalgame entre nos valeurs et nos croyances croisées, et nos préjugés, représentations mentales et sociales étayées par nos apprentissages » (Lebbe-Berrier, 2007, p.63). Nos mythes peuvent entraver notre pratique clinique, nous empêcher toute créativité dans la manière d’être avec. La supervision nous permet ainsi de confronter nos mythes aux autres, de laisser émerger des zones d’incertitude, des doutes. Ceux-ci supposent des réponses nouvelles pour ne pas rester enlisé dans des réponses toutes faites. Il s’agit alors de chercher, avec l’autre, par l’autre, en l’autre, en même temps qu’en soi, par soi, des réponses nouvelles qui se trouvent dans notre capacité à être avec le patient, le superviseur, le groupe…
-
L’analyse des pratiques :
Celle-ci semble avoir un aspect plus « pratico-pratique ». En effet, selon Catherine Rolland, elle est entendue comme utilisant « les méthodologies et techniques professionnelles du travail social et soutient l’acteur dans ses différentes interactions, pour l’aider à dégager des marges de manœuvre, en quelque sorte, devenir un acteur éclairé. A l’inverse, la supervision, elle même centrée sur l’acteur professionnel dans son contexte de travail, prend en compte les temporalités d’émergence de ce qui fait question pour lui » (Rolland, 2007, p.25). L’analyse des pratiques apparait dès lors comme le groupe de travail le moins tourné du coté de la subjectivité du professionnel dans sa relation aux usagers et le plus tourné du coté des moyens concrets dont le professionnel dispose. Elle cherche les modifications concrètes, immédiates et envisageables dans le travail réalisé auprès des personnes là où la supervision et le groupe Balint centre plus leur travail du coté de l’émergence d’une nouvelle manière d’aborder et d’entrevoir le lien à l’usager.




Bibliographie
Livres :
- Delourme, A.(2007). Ethique de la supervision. In A.Delourme (Ed). La supervision en psychothérapie et psychanalyse (pp.57-73). Paris, France : Dunod
- Lebbe-Berrier, P. (2007). Élaboration d'un cadre de supervision. In P.Lebbe-Berrier (Ed), Supervisions éco-systémiques en travail social (pp.61-80). Toulouse, France : ERES.
- Rolland, C. (2007). Définitions et déclinaisons de la supervision en travail social. In P.Lebbe-Berrier (Ed). Supervisions éco-systémiques en travail social (pp.19-29). Toulouse, France : ERES.
Articles de périodiques :
- Delion, P. (2007). La fonction Balint. Sa place dans l'enseignement et dans la formation psychothérapique et son effet porteur dans la relation soignants-soignés. VST - Vie sociale et traitements (n° 95), p.48-52.
- Reznik, F. (2009). Le groupe Balint, une autre façon de penser le soin. Le Journal des psychologues (n° 270), p. 29-30.